WRInaute accro
En Allemagne, des enchères pour être moins payé
Par Muriel GREMILLET
mercredi 30 mars 2005
Jusqu'où un chômeur allemand est-il prêt à aller pour trouver un travail ?
Pour les fondateurs du site Internet d'enchères inversées xxxxxxxx.de, la réponse est rapide : jusqu'à moins de 5 euros de l'heure pour faire le ménage chez un particulier. Le portail, lancé en novembre, applique au travail et aux salaires ce qui a fait la fortune de certains sites, les enchères, mais à l'envers.
Le principe est simple, un employeur propose le poste à pourvoir en fixant un salaire maximum pour la mission. Les internautes enchérissent à la baisse. Le chômeur qui propose le salaire le plus bas remporte le travail. Le fondateur du site, 31 ans, l'un des fondateurs, se défend d'être un horrible libéral. «1300 personnes ont trouvé un travail grâce à nous, ce n'est pas si mal, dit-il. La presse allemande nous traite de tous les noms, mais je m'en moque. Personne n'est lésé, on met en contact des gens, pour un salaire négocié et accepté par les deux parties.»
Selon lui, son site est quasiment une oeuvre de salut public. «J'ai été travailleur social, j'accompagnais les gens en leur disant : "Il n'y a pas de travail", raconte-t-il. Aujourd'hui, j'ai décidé de vraiment les aider à retrouver du travail.» Et selon lui, tout est bon pour lutter contre le chômage qui culmine à 12 %. Y compris, et surtout, faire baisser les salaires.
«Les salaires allemands sont trop élevés et, si l'on ne fait rien, nos voisins polonais ou tchèques finiront par prendre tout le travail», poursuit le fondateur du site qui n'hésite pas non plus à critiquer la société allemande, qui serait un peu engluée dans son confort : «On vit avant de travailler, en Allemagne. Un peu comme en France, non ?»
Les syndicats allemands ont réagi très négativement. Certains mettant en ligne des contre-sites qui répertorient, par branche, le salaire minimum exigible. Des experts travaillant sur l'instauration d'un salaire minimum ont aussi dénoncé le mécanisme des enchères inversées : «En dessous de 7,50 euros de vivre de son travail en Allemagne.»
Mais les fondateurs du site se défendent de pratiquer un «capitalisme de vautours» : le site permettrait de rechercher des salariés qui disposent de qualifications ou de diplômes professionnels particuliers, en les valorisant. La qualification est un dogme pour les Allemands.
Pour l'instant, le site n'existe qu'en Allemagne, même si ses fondateurs songent à l'exporter. C'est que ce système d'enchères inversées colle parfaitement au contexte local. Des salaires moyens conventionnels assez élevés, peu d'emplois de services,ou occupés généralement par des immigrés, peu de flexibilité, quasi-inexistence de l'intérim. Les
emplois proposés sur ce site se glissent dans ces interstices : les employeurs cherchent des jardiniers pour tailler les haies, des peintres pour rénover des chambres, des monteurs de gaines d'aération ou des aides pour personnes âgées. Des emplois de services très peu valorisés dans l'économie allemande et pas toujours couverts par des accords de branche.
Jobs à 1 euro. Le gouvernement allemand essaie bien de combattre le chômage, en restreignant son système d'assurance chômage avec le plan Hartz IV. En introduisant de la flexibilité. Avec, comme mesure phare, les «jobs à 1 euro» pour les chômeurs indemnisés. «Je vous assure qu'il vaut mieux chercher un boulot grâce aux enchères inversées chez nous plutôt que de prendre un job à 1 euro, tranche Fabian Löw. Les statistiques ont montré qu'un chômeur pouvait au mieux espérer toucher 180 euros pour 900 heures de travail avec ce type d'emplois aidés.»